mardi 3 juin 2025

Décès de Pierre Nora (1931-2025)

 

De gauche à droite, Pierre Nora, Michel Foucault, Jean Daniel et Alain Finkielkraut à la sortie de l’Élysée 

Pierre Nora est décédé à l’âge de 93 ans. Il a tenu une place importante dans l’évolution de la pensée en France. Lui-même n’a rien écrit de marquant, mais dans le sillage de Raymond Aron, il mettra en place un pouvoir éditorial considérable qui jouera finalement un rôle militant dans les années soixante-dix. Comme après Mai 68, le marxisme est encore à la mode, que ce soit en histoire, en philosophie ou ailleurs, il s’agit de le combattre. La droite de la gauche s’y emploie. Elle le fait par le biais d’une attaque sur la méthodologie des sciences humaines, et Pierre Nora ayant une formation d’historien, bien que lui-même n’ait produit aucun travail d’historien, il va s’attaquer aux sciences sociales en modifiant les standards. Il sera aidé par toute la mouvance atlantiste, ces anciens intellectuels de gauche qui se vendent à l’atlantisme sous couvert d’anticommunisme primaire. Le cas emblématique c’est François Furet, communiste stalinien défroqué – suite à une révélation venue d’ailleurs – il sera le chouchou des universités étatsuniennes qui le rémunéreront en conséquence avec des postes, des titres honorifiques et l’accès à des maisons d’édition prestigieuses. A tous les pas de sa carrière, comme pour Raymond Aron, mais avec un positionnement plus nuancé, on retrouve l’ombre du soft power étatsunien. Pierre Nora adhéra au CIEL – Comité des Intellectuels pour une Europe des Libertés – tout un programme. Cette boutique notoirement soutenue par la CIA misait à la fois sur un anticommunisme primaire, mais aussi sur la promotion de l’idée européenne à une époque où dans la France encore gaulliste cela n’allait pas de soi, et puis bien sûr la promotion de la rhétorique des droits de l’Homme et de l’État de droit. 

François Hollande décore Pierre Nora 

Cet engagement politique vers l’extrême-centre ne signifie pas que Pierre Nora n’ait fait que du mauvais travail. Ses nombreuses collections abritées chez Gallimard ont permis la publication d’auteurs importants comme Marshall Salhins, Thorstein Veblen ou en France Jacques Legoff, mais servaient de couverture au révisionniste François Furet ou au louche Michel Foucault qui poussait à fond les feux pour un structuralisme militant comme remplacement à la source de Marx. Sur le plan de l’Histoire, il restera comme le promoteur de la Nouvelle Histoire. Avec le recul on se rend compte pourtant que ce qui comptait c’était de couper les ponts avec le marxisme. Les universités jusqu’alors tolérantes envers le marxisme en France vont progressivement bannir cette méthodologie et l’exclure des débats. Le débat sera une revue créée par Pierre Nora. Elle est censée dans l’anticommunisme primaire compenser la vision trop droitière de la revue Commentaire créée par Raymond Aron ! Pierre Nora étant assez peu tenté par la doctrine libertarienne, il restera, sur le plan économique, plutôt l’émissaire d’un néolibéralisme mou à la manière de Michel Rocard et de l’aile droite du PS. Bien qu’assez discret, cet homme de réseaux, les renvois d’ascenseur le mèneront jusqu’à l’Académie française. Même si lui-même n’aura produit aucun texte fondamental, il aura joué un rôle important dans les orientations de la vie intellectuelle. C’est un personnage sur lequel il conviendrait de s’intéresser sans doute un peu plus.


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